Mathieu Martin |

Critique de livre : «The Outsiders» par William N. Thorndike

Vous cherchez un bon livre à lire ce week-end? Pour un ouvrage d’investissement qui se lit très bien, j’ai une suggestion pour vous!

Le mois dernier, j’ai finalement décidé de me plonger dans The Outsiders: Eight Unconventional CEOs and Their Radically Rational Blueprint for Success. J’ai entendu parler de ce livre à plusieurs reprises au cours des dernières années et je commençais à me dire que c’était un classique que je ne pouvais plus me permettre d’ignorer. The Outsiders a été mentionné comme un favori de nombreux investisseurs et gestionnaires de portefeuille connus, notamment Warren Buffett, Bill Ackman, Michael Mauboussin et bien d’autres. L’ouvrage vous plaira si vous souhaitez découvrir les caractéristiques que possèdent les meilleurs PDG ainsi que les outils qu’ils utilisent afin de générer des rendements supérieurs pour leurs actionnaires.

Votre objectif en tant qu’investisseur, du moins dans le domaine des microcaps, devrait être de dénicher d’excellents PDG et ce, tôt dans leur carrière, car le résultat sera généralement une excellente performance des actions à long terme. Après avoir lu le livre, je dois dire que je me sentais un peu mieux outillé afin de déterminer aux côtés de quel type de dirigeant il est préférable d’investir.

L’auteur, William N. Thorndike, est le fondateur et le directeur-général de la firme de «private equity» Housatonic Partners, basée à Boston. Le parcours qui l’a mené à l’écriture de The Outsiders a débuté lorsqu’il s’est porté volontaire pour être conférencier lors d’un événement organisé par sa firme. Thorndike a choisi Henry Singleton, l’ancien PDG de Teledyne Technologies, comme sujet pour son exposé. La raison était simple : la réputation de Singleton pour ses compétences exceptionnelles en matière d’allocation du capital.

Thorndike a recruté un jeune étudiant de la Harvard Business School pour l’aider à faire des recherches sur Singleton. Le duo a finalement passé un semestre complet à travailler sur le dossier de Teledyne Technologies. Au cours des années suivantes, Thorndike a répété ce processus en faisant l’étude d’autres PDG, toujours en s’associant avec des étudiants de Harvard. Après avoir découvert une poignée d’autres entreprises dont les performances battaient largement le S&P 500 et leurs pairs sur de longues périodes, Thorndike réalisa que tous les PDG exceptionnels avaient certaines caractéristiques en commun. C’est à ce moment qu’il prit la décision de transformer l’idée en un livre.

Au total, le livre met en lumière huit PDG outsiders:

  1. Tom Murphy de Capital Cities Broadcasting
  2. Henry Singleton de Teledyne Technologies
  3. Bill Anders de General Dynamics
  4. John Malone de TCI
  5. Katharine Graham de The Washington Post Company
  6. Bill Stiritz de Ralston Purina
  7. Dick Smith de General Cinema
  8. Warren Buffett de Berkshire Hathaway

Tous ces PDG ont largement battu la performance du S&P 500 au cours de leur mandat, ainsi que la performance de Jack Welch chez General Electric, considéré par plusieurs comme le meilleur dirigeant d’entreprise de l’histoire.

 

Qu’est-ce qu’un outsider?

Selon Thorndike, les outsiders peuvent être décrits comme des iconoclastes, c’est-à-dire des personnes qui vont à l’encontre des idées préconçues et des croyances établies. Les outsiders ne s’opposent pas aux conventions simplement pour le plaisir. Au contraire, ils excellent à identifier des situations où une divergence par rapport à la norme leur permettra de générer des rendements supérieurs pour les actionnaires, même si les experts de Wall Street ne sont pas d’accord (au départ).

Les huit outsiders n’avaient pas des personnalités extravagantes et n’appréciaient pas particulièrement le volet public de leur rôle de PDG. Comme le mentionne Thorndike, «les PDG outsiders étaient manifestement moins promoteurs et consacraient beaucoup moins de temps aux relations avec les investisseurs que leurs pairs. Ils n’offraient pas de prévisions aux analystes et ne participaient pas aux conférences de Wall Street. En tant que groupe, ils n’étaient ni extravertis ni trop charismatiques.» De plus, ceux-ci étaient généralement frugaux et aucun d’entre eux n’avait son siège social dans des bureaux luxueux.

 

Le rôle le plus important d’un PDG

Le travail d’un PDG est divisé en deux principales activités: gérer les opérations de l’entreprise et déployer le capital généré par ces opérations. Les PDG exceptionnels sont généralement excellents dans la deuxième activité, soit le rôle d’allocateur de capital. En bourse, il y a plusieurs façons de lever et de déployer du capital. Les différentes options représentent en quelque sorte la boîte à outils du PDG:

En lisant le livre, je me suis vite rendu compte que les huit outsiders avaient des philosophies similaires en ce qui concerne l’utilisation de ces outils. Pour lever du capital, ils s’assuraient d’abord de gérer des organisations profitables et mettaient l’accent sur les flux de trésorerie plutôt que sur les bénéfices comptables que l’on retrouve dans les états financiers (j’y reviendrai plus loin). Ils utilisaient la dette avec précaution et émettaient des actions lorsqu’ils croyaient que celles-ci étaient surévaluées.

Pour déployer le capital, les deux options privilégiées par la plupart des outsiders étaient d’acquérir d’autres entreprises ou de racheter les actions de leur propre entreprise lorsque le prix était attrayant. Bill Stiritz, l’un des outsiders, «estimait que le rendement généré par le rachat d’actions représentait un point de repère pratique afin de comparer d’autres décisions internes en matière d’investissement, en particulier les acquisitions.» Si une acquisition avait des probabilités élevées de générer un meilleur rendement que le rachat d’actions, Stiritz appuyait sur la gâchette. Autrement, ça ne valait pas la peine.

Un autre point que tous les outsiders avaient en commun était leur dédain des dividendes. Ils étaient d’avis que les dividendes représentaient un moyen inefficace de retourner de l’argent aux actionnaires en raison de considérations fiscales aux États-Unis (taux d’imposition plus élevé sur les dividendes que les gains en capitaux). Leur préférence était plutôt d’effectuer, occasionnellement, d’importantes offres publiques afin de racheter des quantités importantes de leurs propres actions lorsque le prix était bas. Ils le faisaient rarement et seulement lorsqu’ils étaient convaincus que c’était la meilleure utilisation du capital. Bien que cette dernière affirmation puisse sembler évidente, les rachats d’actions sont tellement courants de nos jours et pratiqués de manière si régulière que les investisseurs doivent se questionner à savoir si cela représente vraiment la meilleure utilisation du capital.

 

Les éléments clés à considérer

Je pense que les investisseurs autant que les dirigeants d’entreprises peuvent tirer quelques leçons intéressantes du livre. Les outsiders avaient tous un focus intense sur quelques concepts ou variables clés qui leur ont permis de réussir. En voici quelques-uns, sans ordre particulier:

 

Mettre l’emphase sur les flux de trésorerie plutôt que les bénéfices nets

Vous avez probablement déjà entendu l’expression anglaise «cash is king», ou «l’argent est roi» en français. Dans le monde des affaires, ce sont les flux de trésorerie qui sont les déterminants ultimes de la valeur future des entreprises. C’est pourquoi les outsiders ne craignaient pas d’avoir recours à de la dette (car les paiements d’intérêts sont déductibles d’impôts) ou de déprécier des actifs de manière agressive afin de minimiser les profits déclarés au gouvernement (et aux investisseurs). De cette façon, ils arrivaient à protéger leurs précieux flux de trésorerie de l’impôt. En payant moins d’impôts, les outsiders se retrouvaient avec plus d’argent à leur disposition et pouvaient le réinvestir afin de croître plus rapidement que leurs pairs. En réinvestissant intelligemment, les outsiders arrivaient à générer des rendements à long terme supérieurs pour leurs actionnaires.

 

Mettre l’emphase sur la croissance de la valeur par action

Les outsiders n’étaient pas du type à vouloir faire croître leur entreprise à n’importe quel prix dans le but de diriger un plus grand empire. Ils ne se concentraient pas sur la valeur totale de leur entreprise, mais plutôt sur la valeur par action. Cela signifiait qu’ils étaient prêts à vendre certaines divisions lorsque les marchés étaient en plein essor et que les prix étaient élevés. Également, ils n’hésitaient pas à réduire de taille en rachetant beaucoup de leurs propres actions lorsque les prix étaient bas et que cela constituait une aubaine.

 

Diriger des entreprises décentralisées

La plupart des PDG du livre se considéraient comme des allocateurs de capital, et non comme des gestionnaires. Ils veillaient donc à ce que leur organisation soit aussi décentralisée que possible et que toutes les décisions soient déléguées aux personnes les plus près de l’action. Faire confiance à de bons gestionnaires sur le terrain pour diriger l’organisation permettait aux outsiders de se concentrer sur ce qu’ils faisaient le mieux: réinvestir les flux de trésorerie.

 

Utiliser des modèles financiers simples

Ce point fut celui que j’ai trouvé le plus intéressant et étonnant. La majorité des outsiders utilisaient des modèles financiers extrêmement simples afin d’analyser les opportunités d’acquisitions. Dans le cas de John Malone chez TCI, «cette analyse pouvait être effectuée sur une seule feuille de papier (ou, si nécessaire, sur le dos d’une serviette de table). Nul besoin de techniques de modélisation compliquées ou de projections détaillées.» Warren Buffett, encore aujourd’hui, «ne consacre pas beaucoup de temps à la diligence raisonnable traditionnelle et parvient à des ententes extrêmement rapidement, souvent quelques jours après le premier contact.»

Je crois que nous avons tous beaucoup à gagner en adoptant ce processus. En effectuant des recherches sur une entreprise, il est facile de s’éloigner de l’essentiel et d’analyser trop de variables qui, au final, n’auront pratiquement aucune importance à long terme. Nous pouvons apprendre de Bill Stiritz, qui avait comme principe, lorsqu’il analysait des acquisitions potentielles, de se concentrer «sur une poignée de variables clés: croissance du marché, concurrence, améliorations opérationnelles potentielles et, toujours, la génération de flux de trésorerie.»

Je recommande fortement le livre à quiconque désire améliorer ses compétences en allocation de capital. Et par là, je ne m’adresse pas uniquement aux dirigeants d’entreprise. En tant qu’investisseur actif dans le marché boursier, vous êtes, vous aussi, un allocateur de capital.

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