Mathieu Martin |

Soyez prudent : 8 signaux d’alarme dans les microcaps

Si vous investissez depuis suffisamment longtemps, vous avez probablement déjà fait quelques investissements qui n’ont pas produit le résultat escompté. Parfois, des événements surviennent que vous ne pouvez pas contrôler et que vous auriez eu de la difficulté à prévoir. Dans d’autres cas, vous avez peut-être pris de mauvaises décisions. Faire des erreurs fait partie du processus d’apprentissage et c’est un excellent moyen de prendre conscience de certains pièges courants à éviter la prochaine fois.

Aujourd’hui, je souhaite vous partager certains des signaux d’alarme que je vois couramment dans le secteur des microcaps et auxquels il faut faire très attention. Cette liste n’est pas exhaustive et les signaux d’alarme ne signifient pas qu’une entreprise est nécessairement un mauvais investissement. Si vous analysez une entreprise et que vous ne trouvez absolument rien d’inquiétant, il est fort probable que le reste du marché pense la même chose que vous et que le titre ne soit pas une aubaine. Afin de découvrir d’excellentes opportunités d’investissement, vous devez être à l’aise avec un certain niveau de risque. La première étape, cependant, consiste à savoir reconnaître les risques en portant attention aux différents signaux d’alarme. Alors sans plus tarder:

 

1) Équipe de direction avec un historique médiocre

Dans les microcaps, on dit souvent qu’il faut parier sur le jockey plus que sur le cheval. Il est primordial d’investir dans une équipe de direction compétente et honnête. Afin de juger de la compétence d’une équipe de direction, je regarde souvent les antécédents. Si celle-ci détruit de la valeur pour les actionnaires (brûle de l’argent) depuis de nombreuses années et qu’il n’y a pas de fin en vue, je n’aime pas les chances que cela change.

Lorsque le PDG n’a pas un long historique au sein de l’entreprise, j’examine sa biographie et ses réalisations précédentes. Je suis toujours un peu sceptique quand je lis des biographies vagues où les réalisations précédentes semblent exceptionnelles, mais qu’il n’y a pas vraiment de moyen de vérifier quoi que ce soit: entreprises fondées et vendues pour des montants non divulgués, aucun nom d’ancien employeur, etc.

J’aime aussi quand les intérêts de la direction sont alignés avec les miens en tant qu’actionnaire. Je veux un PDG avec un salaire modeste et une position importante en actions. L’inverse est un signal d’alarme.

 

2) Structure de capital médiocre

En tant qu’actionnaire d’une entreprise, vous vous trouvez au rang le plus bas dans la structure de capital. En cas de pépin, les prêteurs et autres créanciers récupéreront fort probablement leur argent avant vous. C’est pourquoi il est important de prêter attention à la structure de capital.

J’essaie d’éviter les entreprises très endettées, en particulier lorsque la dette est à taux d’intérêt élevé (j’estime que plus de 12% est assez élevé). Certains prêteurs demanderont également une rémunération supplémentaire en équité lorsqu’ils prêtent de l’argent, comme des actions ou des bons de souscription. Le secteur des microcaps est parsemé d’entreprises qui ont contracté trop de dette à des termes trop dispendieux, n’ont pas été capable de rembourser, se sont endettées davantage et ont fini par faire faillite. Dans ces cas, ce sont les prêteurs qui se retrouvent à détenir l’ensemble des actifs alors que les actionnaires se retrouvent les mains vides.

 

3) Structure d’actions médiocre

Vous pensez peut-être qu’il n’y a pas de différence entre une entreprise ayant 10 millions d’actions à 2$ et une autre ayant 100 millions d’actions à 0,20$, mais il en existe bien une. Le nombre d’actions en circulation est un indicateur de comment l’équipe de direction traite ses actions. S’ils en émettent comme s’il n’y avait pas de lendemain, vous devriez faire attention car vous risquez d’être dilué dans le futur. Votre objectif devrait être d’investir dans des équipes de direction qui traitent leurs actions comme de l’or, c’est-à-dire qu’ils en émettent le moins possible. Une bonne structure signifie un nombre d’actions en circulation bas et peu ou pas d’options ni de bons de souscription.

 

4) Trop de promotion du titre

De façon générale, les entreprises de qualité n’ont pas besoin de promouvoir allégrement leur titre auprès des investisseurs car ces derniers finiront par les découvrir d’une façon ou d’une autre. Pourquoi ne trouvez-vous pas régulièrement des entreprises qui se transigent à un ratio cours/bénéfice de 5 ou moins? Parce que les investisseurs trouvent ces rares occasions rapidement et font augmenter leur prix. Je ne suis pas un ardent défenseur de l’hypothèse des marchés efficients, mais je pense que le marché est assez efficient la plupart du temps.

Les entreprises qui dépensent beaucoup d’argent pour la promotion de leur titre le font souvent parce qu’elles n’ont pas encore de véritable modèle d’affaires prouvé (et n’en auront peut-être jamais).

C’est normal pour une entreprise publique de maintenir un certain niveau de relations avec les investisseurs. Je ne parle pas des entreprises qui ont une seule firme de relations aux investisseurs et qui assistent à deux ou trois conférences par année. Je parle des entreprises qui ont trois ou quatre firmes de relations aux investisseurs, qui s’inscrivent sans hésiter à chaque conférence, qui dépensent d’énormes sommes en articles et vidéos promotionnels, etc.

Quand est-ce que ça devient exagéré? C’est une bonne question et, malheureusement, je n’ai pas de règle du pouce à vous suggérer. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui divulguent ces dépenses de promotion sur une ligne distincte dans leurs états financiers, ce qui complique leur identification. Ce à quoi vous devez penser est la chose suivante: plus vous entendez parler d’une entreprise, plus les autres participants dans le marché doivent en entendre parler également, et moins il est probable que l’entreprise soit sous-évaluée. L’objectif est de trouver des entreprises qui n’ont pas été découvertes encore, et celles-ci ne paient pas pour de la promotion!

 

5) Utilisation de «buzzwords»

Il semble que chaque année, un nouveau thème d’investissement envahit le secteur des microcaps et que soudainement, toutes les entreprises qui n’allaient nulle part décident d’effectuer un pivot afin de profiter de cette nouvelle mode. Faites attention aux entreprises qui emploient trop de «buzzwords» (mots à la mode) dans leurs communications.

Vous savez ce que je veux dire. Les entreprises qui tirent parti de l’intelligence artificielle, du «machine learning» et du Big Data afin de révolutionner l’industrie du cannabis en développant une technologie blockchain ultramoderne et performante pour capitaliser sur le changement de paradigme imminent.

Ai-je besoin d’en dire davantage?

 

6) Transactions avec des parties liées

Dans leurs états financiers, les entreprises publiques sont tenues de divulguer les transactions qui ont été effectuées avec des parties liées. Les parties liées sont les initiés, c’est-à-dire les dirigeants, les directeurs au conseil d’administration, les membres de la famille ou d’autres entreprises contrôlées par l’un d’entre eux. En anglais, le terme utilisé est «related party transactions».

Toutes les entreprises effectuent certaines transactions avec des parties liées, et ce n’est généralement pas grave. Cela dit, parfois il faut faire attention.

Ce que vous voulez éviter, ce sont les entreprises qui effectuent un nombre très important de transactions avec des parties liées. Un exemple serait une entreprise qui achète la quasi-totalité de son inventaire à un fournisseur contrôlé par un initié, ou qui génère la plupart de ses revenus en vendant à un distributeur appartenant à un initié. Dans de tels cas, les profits économiques de l’entreprise pourraient en fait être détournés vers une entité extérieure. Laissez-moi vous donner un exemple rapide:

L’entreprise A est publique et fabrique un produit qui lui coûte 50$ qu’elle peut ensuite vendre au client final pour 100$. Au lieu de cela, elle le vend pour 55$ à un distributeur contrôlé par le PDG, qui le revend ensuite 100$ au client final. Qui récolte la majorité des profits? Probablement pas les actionnaires de l’entreprise publique.

Encore une fois, toutes les transactions entre parties liées ne sont pas nuisibles et toutes les équipes de gestion ne sont pas malhonnêtes. Il s’agit seulement d’un signal d’alarme à prendre en considération. Utilisez votre jugement.

 

7) Faible conversion des bénéfices nets en flux de trésorerie

Les règles comptables peuvent être assez compliquées pour un débutant, et je ne vais pas trop entrer dans les détails ici. Ce que vous devez savoir, c’est que les équipes de direction disposent de nombreuses techniques afin de manipuler l’état des résultats (en déterminant comment sont comptabilisés les revenus, comment sont amortis les actifs, comment évaluer si certains comptes à recevoir devraient être radiés, etc.).

Toutefois, ce qu’ils peuvent difficilement manipuler est l’état des flux de trésorerie. La quantité d’argent qui entre ou sort du compte bancaire n’est sujette à aucune interprétation, elle est ce qu’elle est.

Lorsque vous examinez l’état des flux de trésorerie (dans les états financiers), portez une attention particulière aux flux de trésorerie provenant des activités d’opérations. En règle générale, les flux de trésorerie provenant des activités d’opérations devraient être supérieurs au bénéfice net présenté dans l’état des résultats. La raison est que l’état des flux de trésorerie commence avec le bénéfice net, puis rajoute toutes les dépenses qui n’affectent pas les trésoreries (amortissements, rémunération à base d’actions, impôts différés, etc.) qui ont été déduites sur l’état des résultats afin d’arriver au bénéfice net.

Lorsque les flux de trésorerie d’opérations sont inférieurs au bénéfice net, c’est probablement dû aux mouvements du fonds de roulement. Ce que ça signifie, c’est qu’il y a eu plus de sorties d’argent que d’entrées d’argent en ce qui a trait à l’inventaire, aux comptes payables et aux comptes à recevoir. Est-ce que l’entreprise a de la difficulté à collecter ses clients? Si, par exemple, l’entreprise gonfle ses ventes de façon malhonnête, cela crée un bénéfice net plus élevé à l’état des résultats. Cependant, de fausses ventes viennent simplement augmenter le montant des comptes à recevoir sans toutefois se convertir en flux de trésorerie (si ce sont des fausses ventes, l’argent ne sera jamais collecté). Cela crée donc un bénéfice net élevé mais des flux de trésorerie bas.

Rappelez-vous donc qu’il est important d’analyser les mouvements réels d’argent dans le compte de banque, pas seulement les profits comptables à l’état des résultats.

 

8) Projections financières exceptionnelles

Avez-vous déjà vu une projection de revenus que vous n’avez pas aimée? La plupart des dirigeants d’entreprise mettent leurs lunettes roses lorsqu’ils présentent à des investisseurs. Les équipes de direction de jeunes entreprises ayant peu d’historique, comme c’est le cas pour beaucoup de microcaps, peuvent lancer en l’air n’importe quel type de projections et il est facile d’y croire.

Et vous savez quoi? Parfois, ils auront raison.

Mais cela ne signifie pas que vous devriez baisser votre garde. Lorsque je vois une présentation aux investisseurs dans laquelle l’entreprise prévoit faire passer son chiffre d’affaires de 0$ à 100 millions $ en trois ans, l’alarme se déclenche dans ma tête. Il est très rare qu’une croissance de la sorte se matérialise. Vous devez réaliser qu’une entreprise prend du temps à se développer et que toutes sortes de défis opérationnels vont se présenter en cours de route.

Lorsque les projections semblent trop belles pour être vraies, elles le sont probablement. À moins que les prévisions ambitieuses de l’entreprise ne s’appuient sur un solide historique d’exécution dans le passé, je vais généralement formuler mes propres hypothèses et éviter de trop me fier sur les chiffres fournis par la direction.

Est-ce que je vais passer à côté de certaines entreprises qui vont vraiment réussir à exécuter leurs promesses? Bien sûr. Mais ce que je vais aussi passer à côté, ce sont les 95% qui vont échouer à atteindre leurs prévisions exagérées. En bout de ligne, vous devez être sceptique à propos des projections et déterminer si elles sont réalistes ou non. Quand celles-ci ne semblent pas tenir la route, c’est un signal d’alarme.

 

Synthèse

Warren Buffett est reconnu pour avoir dit:

«Règle n°1: Ne perdez jamais d’argent. Règle n°2: N’oubliez jamais la règle n°1.»

Être conscient des signaux d’alarme et tenter d’éviter les situations où vous pourriez perdre de l’argent est primordial, en particulier lorsque vous investissez dans les microcaps. Ces entreprises ne font pas l’objet d’une surveillance aussi accrue que les moyennes et les grandes capitalisations. C’est donc l’endroit où il y a le plus de pièges pour un investisseur individuel.

Restez toujours sceptique, vigilant et utilisez votre jugement.

Soyez prudent!

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