Mathieu Martin |

Stratégies de fin d’année: Pertes fiscales et l’effet janvier

Avez-vous déjà entendu parler de l’effet janvier?

Il s’agit d’une anomalie des rendements boursiers, et c’est l’une des anomalies ayant généré le plus d’intérêt de la part des experts au cours des dernières décennies. Le phénomène observé est que les titres de petites capitalisations ont historiquement généré des rendements anormalement élevés au mois de janvier.

Plusieurs hypothèses ont été avancées afin d’expliquer l’effet janvier.  Parmi les nombreuses explications proposées par les experts, la plus plausible semble être la saison des ventes pour pertes fiscales au mois de décembre.[1] Nous verrons plus loin en quoi cela consiste.

Il est important de savoir que la saison des ventes pour pertes fiscales peut affecter votre portefeuille en fin d’année. Cependant, il existe des moyens de se positionner afin de protéger son portefeuille et ensuite tirer profit de l’effet janvier.

 

Quelles sont les considérations fiscales des investisseurs?

Commençons d’abord par un aperçu rapide des considérations fiscales de base pour les investisseurs qui, comme vous et moi, transigent dans des comptes imposables.

Lorsque vous achetez un titre coté en bourse, le prix que vous payez devient la référence à laquelle vous comparerez votre prix de vente, dans le but de déterminer si vous avez réalisé un gain ou une perte sur la transaction. Vendez plus cher que ce que vous avez payé et vous réaliserez un gain. L’inverse générera une perte.

Au Canada, dans certains types de comptes tels que le CÉLI et le RÉER, la réalisation de gains ou de pertes n’entraîne pas de conséquences au niveau fiscal. Cependant, si vous transigez dans des comptes imposables, les gains et pertes devront être déclarés aux gouvernements et vous payerez de l’impôt sur le gain en capital.

Le montant de gains nets qui sera sujet à imposition est la somme des gains réalisés moins la somme des pertes réalisées. Par exemple, si vous réalisez un profit de 10,000$ sur une transaction, mais perdez 4,000$ sur une autre, votre gain net imposable sera de 6,000$.

Un élément clé sur lequel je porte votre attention est que les gains et les pertes doivent être réalisés, c’est-à-dire que vous devez fermer la transaction. Si vous conservez un titre pendant plusieurs années, vos gains ou pertes ne seront pas pris en compte tant que vous ne décidez pas de vendre.

Le moment auquel vous décidez de vendre un titre est donc important. Au-delà des fondamentaux et de la valorisation de l’entreprise, votre décision aura une incidence sur votre facture fiscale à la fin de l’année.

Évidemment, votre objectif devrait être de minimiser le paiement d’impôts autant qu’il est possible et légal de le faire. Référez-vous à votre fiscaliste ou comptable afin de bien comprendre les implications de l’achat ou la vente de titres pour votre propre situation.

Pour les fins de cet article, ce qu’il est important de comprendre est que tout comme vous, les autres investisseurs tentent également de réduire leur facture fiscale au maximum. L’une des stratégies les plus simples à appliquer lorsqu’un investisseur a réalisé des gains durant une année est de tenter d’encaisser des pertes afin de venir réduire le montant des gains nets accumulés.

 

La saison des ventes pour pertes fiscales

De façon générale, les investisseurs pensent à ces considérations fiscales lorsque l’année s’achève, c’est-à-dire à la fin novembre et en décembre. Ils ont alors un portrait assez clair des gains qu’ils ont réalisés au cours de l’année, ainsi que des titres qui sont de bons candidats pour vendre à perte.

Il va de soi qu’un titre que l’on vend à perte est un titre qui a baissé par rapport à notre prix d’achat initial. Il s’agit donc généralement d’un titre qui a mal performé, et avec lequel d’autres investisseurs ont aussi perdu de l’argent (sur papier, du moins).

Ces titres qui ont mal performé durant l’année tendent généralement à sous-performer davantage en décembre, alors que des actionnaires vendent pour encaisser des pertes sans réelles considérations pour les fondamentaux de l’entreprise.

Cette vague de vendeurs motivés fait plonger les prix des titres en fin d’année, et ce de façon encore plus significative pour les petites capitalisations qui ont un faible volume de transactions. Lorsque l’année se termine et que janvier arrive, cette vague de vendeurs s’essouffle instantanément, et on assiste parfois à un puissant rebond. Les mois de décembre 2018 et janvier 2019 en sont un excellent exemple.

La saison des ventes pour pertes fiscales est la principale hypothèse avancée par les experts pour justifier l’effet janvier. Une sous-performance en décembre est accompagnée d’un rebond dans les premiers jours du mois de janvier, ce qui génère des rendements anormalement élevés.

 

Alors, comment on en profite?

J’identifie deux stratégies afin de tirer profit de la saison des ventes pour pertes fiscales et de l’effet janvier. Avant d’élaborer sur celles-ci, les voici dans leur forme la plus simple :

1) Vendre avant les autres

2) Acheter lorsque les autres vendent

Alors c’est vraiment aussi simple que cela? Presque. Laissez-moi vous expliquer davantage.

 

Vendre avant les autres

Cette stratégie comporte deux volets. D’une part, cela implique de vendre certains de vos titres. Il peut s’agir de vendre à perte afin de réaliser vous-même une perte fiscale qui sera avantageuse dans votre situation, et de le faire avant le chaos du mois de décembre. Il peut aussi s’agir d’anticiper quels titres dans votre portefeuille sont susceptibles d’être affectés par la saison des ventes pour pertes fiscales, et de réduire votre exposition à ces titres que vous considérez plus à risque. Le titre idéal en est un qui a été en tendance baissière pour une bonne partie de l’année et pour lequel vous n’anticipez pas de catalyseur important à court terme.

Le deuxième volet, qui est moins apparent, est que la vente de certains de vos titres vous permettra d’augmenter votre position en encaisse. Avoir de l’encaisse est l’élément crucial afin d’implémenter la deuxième stratégie. Maintenant que vous avez limité vos pertes, vous voulez avoir de l’encaisse disponible afin d’agir lorsque vous verrez des opportunités d’achat exceptionnelles.

 

Acheter lorsque les autres vendent

Si vous avez bien suivi la première étape, vous vous retrouverez en décembre avec une position suffisante en encaisse pour vous permettre de tirer avantage des aubaines. Vous remplirez donc un rôle important : procurer de la liquidité aux vendeurs motivés qui tenteront de se départir de leurs actions. Et vous serez récompensé généreusement pour jouer ce rôle, en payant des prix dérisoires dans certains cas.

D’abord, il est important de déterminer quels titres pourraient vous offrir ces aubaines. Il peut s’agir de titres que vous détenez déjà et que vous aimeriez acheter davantage. Il peut également s’agir de titres sur votre liste de surveillance, qui sont trop chers présentement selon vos critères, mais que vous seriez prêt à acheter à un prix moins dispendieux.

Tentez d’identifier les titres qui ont mal performé au cours de l’année et qui sont susceptibles d’être affectés en décembre. Surveillez-les attentivement. Soyez à l’affût et agissez rapidement lorsqu’une occasion se présente. Votre position en encaisse vous permettra de profiter de ces opportunités alors que d’autres investisseurs, pleinement investis, auront les mains liées.

Si vous achetez intelligemment, vous vous retrouverez dans une meilleure position afin de profiter de l’effet janvier.

 

Mais attention…

Une anomalie comme l’effet janvier ne signifie pas nécessairement qu’il existe des opportunités d’en tirer des profits significatifs. Comme le mentionne Richard H. Thaler dans la publication Economic Perspectives: «Dans le cas des petites entreprises, un faible volume de transactions et de grands écarts entre les cours acheteur et vendeur font obstacles aux grandes opportunités de profits.»[2]

Je ne vous recommande donc pas de bâtir votre stratégie d’investissement en vous basant simplement sur l’effet janvier. La raison pour laquelle cette anomalie persiste est probablement parce qu’il n’y a pas moyen pour les investisseurs institutionnels d’y investir beaucoup de capitaux profitablement, en tenant compte de la faible liquidité et des frais de transactions.

Cela dit, il s’agit d’une anomalie fascinante qui mérite considération. Pour un petit investisseur de détail, je pense qu’il y a moyen d’en tirer de modestes rendements additionnels. À tout le moins, vous pouvez considérer cette information afin d’améliorer votre processus de décision, même si ça ne devient pas un critère important pour vous.

Dans le cas d’un investisseur qui détient peu de petites capitalisations dans son portefeuille et qui désire en ajouter, l’effet janvier suggère d’acheter en décembre plutôt qu’en janvier. Dans une telle situation, choisir le moment opportun peut faire une différence sur les rendements.

Alors, quelle sera votre stratégie en cette fin d’année? Serez-vous vendeur ou acheteur en décembre?

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[1] Tax-Loss Selling and the January Effect: Evidence from Municipal Bond Closed-End Funds, https://undervaluedequity.com/tax-loss-selling-and-the-january-effect-evidence-from-municipal-bond-closed-end-funds/

[2] Anomalies – The January Effect, Richard H. Thaler, Economic Perspectives – Volume 1, Number 1 – Summer 1987 – Pages 197-201, https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.1.1.197