Ian Cassel |

L’art de conserver

Article publié originalement en anglais sur le MicroCapClub, sous le titre The Art of Holding.

Le MicroCapClub, co-géré par Ian Cassel et Mike Schellinger, est un forum exclusif pour les investisseurs de microcaps expérimentés afin de partager et discuter d’idées d’investissement, avec un focus sur les marchés canadiens et américains. La mission du club est de favoriser la mise sur pied d’une communauté d’investisseurs de microcaps de haute qualité, de produire du contenu éducatif pour ses lecteurs et de promouvoir un meilleur leadership dans l’univers des microcaps.

-Traduction par Mathieu Martin

Les titres boursiers performent rarement dans les délais que nous anticipons au départ, et c’est pourquoi le marché ne favorise que les investisseurs qui ont une approche à long terme. La performance n’est jamais linéaire, vers le haut et vers la droite, année après année. Vous devez parfois conserver une position pendant quelques années avant de la voir augmenter de 100% en 3 mois.

«Je suis habitué de conserver un titre lorsque son prix de va nulle part. La majorité de l’argent que je fais provient de la troisième ou quatrième année que je détiens un titre.» -Peter Lynch

Voici un exemple concret: j’ai commencé à acheter une entreprise que je possède encore aujourd’hui au début de 2012 alors qu’elle se situait entre $0.35 et $0.40 par action. Au fur et à mesure que ma conviction grandissait, j’achetais davantage et à la mi-2014, le titre atteignait 2 dollars par action. Aujourd’hui (janvier 2017), l’action est toujours à 2 dollars par action. Oui, je suis considérablement dans le profit par rapport à mon coût moyen, mais cette entreprise est de l’argent mort depuis deux ans et demi!

Comment puis-je savoir si j’ai raison de conserver ou si je suis plutôt ancré dans un biais de dotation?

Revenons à quelques principes de base. Les «multi-baggers» durables ont trois caractéristiques: croissance des revenus et des profits à long terme avec peu ou pas de dilution. Lorsque vous détenez une position, demandez-vous: est-ce que cette entreprise croît et génère plus d’argent par action qu’il y a un an, ou qu’il y a deux ans? Dans mon exemple concret ci-dessus, la taille de l’entreprise est presque le double par rapport à il y a 2 ans et demi. Oui, le titre a fait du surplace, mais l’entreprise se porte merveilleusement bien. Je n’ai aucun problème à conserver cette position. Si l’entreprise ne performait pas, je vendrais. Les investisseurs qui réussissent savent différencier la performance de l’entreprise par rapport à la performance du titre. Ils peuvent également profiter des investisseurs qui ne comprennent pas ce concept.

«Je ne veux pas passer mon temps à essayer de gagner plein de petits profits. Je veux des gros, très gros profits et je suis prêt à être patient pour les attendre.» – Phil Fisher

Dans le livre The Art of Execution: How the world’s best investors get it wrong and still make millions, le gestionnaire de portefeuille Lee Freeman-Shor raconte qu’il a investi entre 25 et 150 millions de dollars (1 milliard et plus au total) dans 45 des meilleurs investisseurs au monde. Ses instructions pour eux étaient simples, car il n’y avait qu’une seule règle. Ils ne pouvaient seulement investir que dans leurs dix meilleures idées. Pendant plusieurs années, il a suivi leurs positions, transactions, performances et a été très étonné de ce qu’il a vu. Il a identifié des bonnes et des mauvaises habitudes, et a divisé les investisseurs en groupes: Lapins, Assassins, Chasseurs, Raiders et le groupe ayant connu le plus de succès, les Connaisseurs.

«Les investisseurs les plus prospères avec lesquels j’ai travaillé, ceux qui ont fait le plus d’argent, avaient tous un point en commun: la présence de quelques gros gagnants dans leurs portefeuilles. Toute approche qui n’incorpore pas la possibilité de gagner gros à l’occasion est vouée à l’échec.» – Lee Freeman-Shor

Dans cet extrait, Lee Freeman-Shor discute d’un des attributs des Connaisseurs:

«L’un des facteurs clés afin de conserver un gros gagnant est d’avoir (ou de cultiver) un seuil de tolérance élevé à l’ennui.

Rencontrer certains de mes Connaisseurs pouvait être très, très ennuyant car rien ne changeait jamais. Ils parlaient constamment des mêmes titres dans lesquels ils étaient investis depuis cinq ans ou plus. Les jours où j’avais rendez-vous avec un Connaisseur, j’avais parfois du mal à sortir de mon lit.

Le fait est que la plupart d’entre nous auront du mal à imiter les Connaisseurs parce que nous ressentons le besoin de faire quelque chose chaque jour lorsque nous arrivons au bureau (ou à notre ordinateur à la maison). Nous examinons les graphiques des cours boursiers, écoutons les dernières nouvelles du marché sur Bloomberg TV et en venons à croire que nous pourrions ajouter de la valeur en faisant quelques petites transactions ici et là. Il est très difficile de ne rien faire à part de se concentrer sur la même poignée d’entreprises année après année; en recherchant seulement de nouvelles idées à temps partiel.

Beaucoup d’entre nous, voyant que nous avons réalisé un profit de 40% sur l’une de nos positions, commençons activement à chercher une autre entreprise dans laquelle investir l’argent – au lieu de la laisser où elle est. C’est précisément pourquoi beaucoup d’investisseurs ne connaissent jamais un très grand succès.»

Chaque «multi-bagger» aura de longues périodes (voire des années) de stagnation alors que les fondamentaux rattrapent le prix de l’action, que les anciens actionnaires se tannent et que de nouveaux actionnaires achètent. Tout comme un bon vin, les «multi-baggers» durables prennent souvent leur temps afin de se développer et de se bonifier. Si vous êtes investis dans des entreprises de qualité qui continuent à croître et à rapporter plus de profits, ne laissez pas les périodes d’accalmie dans le prix du titre ou l’ennui vous effrayer.