Sean Iddings |

Il est temps de changer votre perception des microcaps

Article publié originalement en anglais sur le MicroCapClub, sous le titre It’s time to change your perception of Microcaps.

Le MicroCapClub, co-géré par Ian Cassel et Mike Schellinger, est un forum exclusif pour les investisseurs de microcaps expérimentés afin de partager et discuter d’idées d’investissement, avec un focus sur les marchés canadiens et américains. La mission du club est de favoriser la mise sur pied d’une communauté d’investisseurs de microcaps de haute qualité, de produire du contenu éducatif pour ses lecteurs et de promouvoir un meilleur leadership dans l’univers des microcaps.

-Traduction par Simon Boudreau

Qu’est-ce qu’une microcap?  La réponse commune serait une petite entreprise publique avec une capitalisation boursière de $300M et moins.  Est-ce que cette définition nous indique quoi que ce soit à propos du monde des microcaps ou nous aide à devenir un meilleur investisseur?  Pas du tout.  En fait, à tout vouloir catégoriser on finit par se transformer en la définition d’un cynique, d’Oscar Wilde – «Un homme qui connaît le prix de tout mais la valeur de rien».

Le terme «microcap» a une connotation négative maintenue par la majorité des experts financiers, régulateurs des marchés et investisseurs.  La plupart considèrent les 11 000+ microcaps en Amérique du Nord comme étant sordides et insignifiantes.  Cette étiquette ne pourrait être plus loin de la vérité.  Certains des meilleurs investisseurs au monde, incluant Warren Buffett et Peter Lynch, ont commencé leur carrière en investissant dans les microcaps.  Certaines des meilleures entreprises au monde telles que Berkshire Hathaway, Wal-Mart et Apple ont commencé en tant que petites compagnies microcaps.  À ce jour, les microcaps nord-américaines emploient plus de 2,8 millions de personnes. C’est plus d’emplois que Google, IBM, Home Depot, Berkshire Hathaway, AT&T, Pfizer, Cisco, Microsoft, Boeing, General Electric et GM combinés.  Toutes les grandes entreprises de ce monde ont un jour été de petites compagnies et il est temps que les gens changent leur perception de cette classe d’actifs mal-aimée.  Le MicroCapClub a pour mission à long terme de ramener la crédibilité et le respect au secteur des microcaps.

L’étiquetage me rappelle toujours la petite histoire de Richard Feynman sur le fait de connaître le nom de quelque chose.  Il y décrit une histoire de son enfance, racontée ci-dessous :

Le lendemain, lundi, nous jouions dans les champs et ce garçon m’a dit : «Tu vois cet oiseau qui se tient sur la souche là-bas?  Comment l’appelle-t-on?»

J’ai répondu : «Je n’ai pas la moindre idée.»

Il a dit : «C’est un muguet à gorge brune.  Ton père ne t’enseigne pas beaucoup sur la science.»

J’ai souri car mon père m’avait déjà enseigné que [le nom] ne voulait pas dire grand-chose à propos de l’oiseau.  Il m’a dit : «Tu vois cet oiseau?  C’est un muguet à gorge brune mais en allemand, on dit un halsengflugel et en chinois, on dit un chung ling.  Même si tu connais tous ces noms, tu ne connais toujours rien à propos de cet oiseau.  Tu sais seulement comment les gens le surnomment.

On trouve des petites compagnies partout et comme les oiseaux, on leur colle différentes étiquettes :

  • Dans le marché boursier on les appelle microcaps
  • Dans le marché privé local on les appelle petites entreprises
  • À Silicon Valley on les appelle start-ups technologiques

Chaque terme évoque différentes images dans nos esprits.  Les microcaps, souvent désignées par le terme pessimiste «penny stocks», ont une stigmatisation négative et ce, même si les titres boursiers de plus de 120 compagnies microcaps se sont appréciés de 1000% ou plus dans les derniers cinq ans.  Les petites entreprises, quant à elles, projettent une belle image.  On pense à une entreprise familiale que l’on retrouve partout à travers le pays ; le plombier du coin, un entrepreneur en construction ou une boulangerie.  Les start-ups technologiques, particulièrement ceux de Silicon Valley, ont d’excellentes réputations principalement en raison de Peter Thiel, Marc Andreesen, Ben Horowitz et d’autres investisseurs célèbres qui endossent le secteur.  Quand le public pense aux start-ups technologiques, il pense à des entrepreneurs qui n’ont pas froid aux yeux, à des opportunités immenses et à des licornes (de l’anglais : unicorn, qui est une entreprise valorisée à plus d’un milliard de dollars).  Bien que Berkshire Hathaway, Wal-Mart, Netflix et bien d’autres sociétés aient commencé en tant que petites sociétés microcaps, nous n’avons pas de leaders d’opinion bien respectés qui font l’éloge des microcaps sur la place publique.  Bien qu’il y ait un fond de vérité dans la perception du public associée aux stéréotypes, ouvrir ses horizons permet de découvrir que les microcaps, les petites entreprises et les starts-ups technologiques sont en fait très similaires.

Peu importe comment on les appelle, ce sont toutes des entreprises émergentes principalement dirigées par des fondateurs avec un esprit entrepreneurial.  Investir dans de telles sociétés est d’autant plus un pari sur le jockey (fondateur/dirigeant) que sur le cheval (produit/service).  Plus de 90% des nouvelles entreprises échouent.  Le fondateur dirigeant et son équipe (combiné à un peu de chance) sont les seules choses qui séparent la moyenne qui sont susceptibles d’échouer, des plus grands succès.

«Un management solide est l’élément le plus important de la capacité d’une entreprise à réussir.» – Vinod Khosla

En tant qu’investisseurs microcap, nous pouvons apprendre beaucoup des investisseurs en capital de risque sur la façon dont ils évaluent les fondateurs et les équipes de gestion.  Ils recherchent des fanatiques intelligents tout comme nous.  Les investisseurs à succès en capital de risque comprennent mieux que quiconque l’importance du dirigeant et de l’équipe de gestion.  Ils passent d’ailleurs beaucoup de temps pour s’assurer de bien connaître le management.  Les grands dirigeants attirent les meilleurs talents tandis que les autres attirent des talents de moindre qualité.  L’idée est de différencier les grands entrepreneurs avec de grandes visions à long terme des autres entrepreneurs avec des buts plus modestes.

Voici une excellente séance de questions et réponses avec Marc Andreessen de la firme Andreessen Horowitz et Ron Conway de SV Angel.  Ron Conway est un ange investisseur donc il investit normalement plus tôt que la plupart des sociétés de capital de risque.  En fait, plusieurs des investissements d’Andreessen Horowitz avaient d’abord été financés par Ron Conway.  La firme SV Angel a investi dans plus de 750 compagnies depuis les 20 dernières années.  Ron Conway a mentionné que pour chaque 30 fondateurs ou compagnies qu’ils ont interviewé, ils en ont retenu qu’un seul.  Ils ont donc analysé plus de 20 000 compagnies et fondateurs.

Voici les différents types d’entrepreneurs (certains empruntés de Steve Blank) :

  • Entrepreneur bohème – travaille juste assez pour vivre de sa passion. Pensez à un musicien qui veut jouer de son instrument jour et nuit.  Il donne suffisamment de cours de musique pour payer ses factures et se procure un revenu d’appoint en jouant le soir.  Nul besoin de faire un profit.
  • Entrepreneur de petite entreprise – heureux de travailler à son compte en opérant un modèle d’affaires déjà testé. Aucun intérêt pour faire grossir l’entreprise à l’échelle mondiale.  Pensez à un plombier, un designer web ou un charpentier.  Tout ce qui compte c’est que l’entreprise soit rentable.
  • Entrepreneur fanatique intelligent – ce fondateur a des idées de grandeur dès le premier jour. À la recherche de modèles d’affaires évolutifs et reproductibles qui peuvent conduire à la domination d’un marché.  Il est hautement compétitif et ne sera jamais satisfait de ne dominer qu’un petit marché de niche.  L’envie de dominer un marché mondial viendra tôt ou tard.  Lorsque ses intérêts sont alignés avec ceux des actionnaires, le potentiel de rendement est immense.

Les investisseurs microcap doivent comprendre que les entrepreneurs bohèmes et de petites entreprises ne sont pas les candidats idéals pour obtenir de hauts rendements à long terme.  Ces entrepreneurs opèrent leur entreprise sans faire trop de bruit et se contentent de se verser un salaire.  Ils n’ont pas dans l’optique de créer de la valeur pour des actionnaires.  C’est pourquoi les investisseurs devraient se concentrer à trouver des entrepreneurs fanatiques intelligents et rester bien assis sur leur position pendant que le management et son équipe talentueuse exécutent.  Les rendements potentiels dans ce type de partenariat sont immenses.  C’est là où la véritable richesse est créée.

Ian Cassel et moi-même travaillons sur le projet Intelligent Fanatics Project qui décrit les qualités, cultures et stratégies que les entrepreneurs fanatiques intelligents possèdent et arrivent à mettre en place pour exécuter leurs modèles d’affaires évolutifs et reproductibles sur le long terme.  Laissez-moi l’illustrer par un court exemple d’une compagnie qui a passé de rien à une entreprise valant des milliards de dollars sous la direction de son fondateur.

Le fanatique intelligent Larry Ellison a débuté en 1976 avec un investissement de 2000$ dans Software Development Laboratories,  l’a transformé en une entreprise que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Oracle et qui vaut maintenant plus de 160 milliards de dollars.  Larry Ellison a généré pour les actionnaires un retour sur investissement impressionnant de 25% composé annuellement depuis qu’Oracle est devenu une société publique.

graph oracle

Oracle dépassait légèrement le stade de microcap à $500M d’évaluation en dollars d’aujourd’hui lorsque la compagnie est entrée en bourse en 1986.  Cette même année, l’entreprise affichait $55M en revenus mais ceux-ci ont rapidement progressé pour atteindre $584M en 1989.  Larry Ellison a continué de soutenir cette énorme croissance jusqu’à ce qu’il quitte son rôle de PDG en 2014.

En 1981, Kathryn Gould était l’employée #10 d’Oracle et s’est par la suite illustrée en tant qu’investisseuse en capital de risque à succès.  Elle croyait, comme beaucoup d’autres, que Larry Ellison possédait de puissantes qualités de leadership et des caractéristiques faisant de lui un gagnant.  Kathryn Gould utilisait Ellison comme référence pour évaluer tous les fondateurs qui croisaient son passage.  Vous trouverez l’article complet ici mais sinon, voici de quoi est composé l’ADN d’un grand dirigeant, selon Kathryn Gould :

  • Possède une mission claire et inspire tout le monde à la vivre à tous les jours
  • Est le meilleur pour vendre l’histoire de l’entreprise
  • Embauche les gens les plus intelligents
  • A une vision technologique et la capacité de convaincre les autres que c’est la voie à suivre
  • Comprend que tout repose sur la satisfaction du client
  • Ne dépense pas d’argent sur des éléments qui ne sont pas critiques à la mission de l’entreprise
  • Est implacable dans la poursuite de ses objectifs et ne prend jamais NON comme réponse
  • Comprend que l’humour peut être un outil puissant – et amusant!

Conclusion

Il est temps que de nombreux investisseurs changent leur perception des microcaps car après tout, plusieurs grandes entreprises ont émergé de ce secteur.  Les microcaps sont de petites entreprises dirigées par des entrepreneurs avec des motivations différentes.  Tout comme les investisseurs en capital de risque, les investisseurs microcap devraient mettre beaucoup d’emphase sur les entrepreneurs avec lesquels ils choisissent de s’associer ou d’investir.  Évitez les entrepreneurs bohèmes et de petites entreprises, et concentrez-vous sur les fanatiques intelligents qui ont la vision, le leadership et le caractère pour pouvoir bâtir des modèles d’affaires évolutifs et reproductibles.  Dénicher des entrepreneurs fanatiques intelligents n’est pas chose facile mais à force de chercher, on les trouvera plus souvent qu’autrement, à la barre de petites entreprises.  Si vous travaillez dur, vous serez chanceux d’en trouver quelques-uns au cours de votre vie et lorsque vous y arriverez, vous devrez aussi développer la conviction de rester assis sur votre position pour en récolter le maximum de bénéfices.

Je termine sur cette citation de Phillip Fisher :

«Ces entreprises qui, décennie après décennie, ont constamment affiché une croissance spectaculaire peuvent être divisées en deux groupes.  À défaut de meilleur terme, j’appellerais un groupe celui qui est à la fois «chanceux et compétent» et l’autre groupe, celui qui est «chanceux parce qu’il est compétent».  Aucune compagnie ne peut croître sur une longue période de temps simplement avec de la chance.  Elle doit avoir à sa barre un management hautement compétent et visionnaire.»